Baisse de coûts ou satisfaction client : une opposition stérile, selon Olivier Pescia

ou comment sortir de l’impasse réduction de coûts = réduction de valeur client

Un problème classique : comment réduire les coûts d’une organisation sans dégrader la performance perçue par le client ?

La rentabilité impose aux organisations de réduire au maximum le coût de leurs activités opérationnelles. Mais dans la limite, évidemment, où cela ne diminue pas l’efficacité, et, en particulier, ne nuit pas au service rendu au client, ou au moins à la perception qu’il en a. Les approches classiques visant à diminuer les coûts sont facilement associées à une réduction de valeur pour le client et une à dégradation de sa satisfaction.

Ainsi, de la même façon que l’analyse de valeur d’un produit permet d’en ajuster le prix au niveau de prestation attendu par les clients, de la même façon le travail sur l’organisation et les processus, plus généralement le travail sur la productivité des industries de service, relève souvent d’un arbitrage réduction des prestations / réduction des coûts.

Une analogie intéressante : la réduction des coût sur les voitures en vie série.

Il nous a été donné d’animer le processus de réduction des coûts de production en vie série d’un grand constructeur automobile. Et les difficultés rencontrées – comme la façon de les surmonter – nous sont apparues comme très instructives pour notre métier d’organisateur. Avec une analogie produit / organisation sur trois dimensions semblables :

  • sur le fond, une gradation comparable des réductions de coût de celles qui se voient et à celles qui ne se voient pas,
  • une semblable méthode de créativité qui permet de trouver des sources de gain économique,
  • et surtout sur la nature identique du dialogue à organiser entre des acteurs de points de vue opposés et avec des sources de légitimité très différentes.

  1. Assurer le maintien des prestations offertes, un sujet de fond

L’analyse de valeur établit une gradation structurante entre ce qui se voit ou ne se voit pas dans la prestation livrée au client.

Un ensemble d’actions vont réduire le coût sans aucun effet négatif sur la prestation livrée :

  • amélioration de l’efficience du process de fabrication ou action sur le coût des matières utilisées sans substitution ;
  • transformation agissant sur le produit sans effet sur la prestation rendue (« right sizing » ) ou avec un effet imperceptible dans un usage courant ;
  • éventuellement, passage de la prestation en option, ou carrément suppression (right content).

De la même façon il est possible de transformer une organisation sans que, dans une très large mesure cela se traduise par une dégradation de la qualité produite :

  • amélioration des compétences, des processus ou de la répartition des tâches permettant de supprimer le sur-travail ou les temps morts ;
  • adaptation de l’organisation à une variation plus ou moins anticipée de la charge, transformation des étapes préparatoires ne se traduisant par aucun changement de la prestation perçue ;
  • transformation mesurée et concertée des prestations, souvent en échangeant un bénéfice nouveau et important contre des suppressions de service s’avérant sans valeur ajoutée pour le client.

2. Stimuler la créativité pour réussir : un sujet de pluridisciplinarité et de liberté

Il n’est en général pas naturel à une équipe d’obtenir des résultats très importants simplement en « revoyant sa copie » un grand nombre de fois. Surtout pour un produit déjà existant dont on n’envisage pas, en général, de revoir l’architecture de fond en comble.

La recherche d’économies en vie série demande donc à la fois une grande inventivité, une analyse tous azimuts et l’acceptation du fait que chaque évolution semble modeste (car c’est leur somme qui est significative). En outre, on voit bien dans l’échelle de la détectabilité des transformations que beaucoup d’idées sont à la frontière entre plusieurs domaines techniques, chacun ayant déjà fait ses propres optimisations et/ou demandent une vérification de faisabilité collective. Par exemple, on peut repenser certains choix métiers à condition que les métiers connexes bougent aussi. On peut supprimer telle prestation coûteuse si l’on offre une solution de substitution acceptable.

Il en est de même des organisations d’une industrie de service : les améliorations de productivité faites au fil de l’eau et « sous les radars » ont leurs limites. Il faut souvent repenser les partages de tâche aux frontières organisationnelles internes ou externes, voire repenser en partie l’interface visible par le client.

3. Animer un processus de dialogue fécond et équilibré, transparent pour le client

On le voit poindre, toute la question est donc de passer d’une opposition frontale entre études ou production d’une part et marketing ou vente d’autre part à un travail de créativité conjuguée. A cette condition seulement il est possible de mettre en place des approches plus efficaces permettant à la fois d’améliorer la profitabilité et de piloter le niveau d’impact sur la valeur client.

Or si ce dialogue est souvent stérile, c’est que les parties prenantes ne remettent que difficilement leurs standards respectifs en cause. L’optimisation locale d’un produit ou d’un service ne peut être que le résultat d’un calcul d’opportunité intégrant les marges respectives de plusieurs métiers. D’où la nécessité d’un dialogue structuré.

Mais pour que cela fonctionne, il faut bousculer les acteurs concernés pour les forcer au dialogue. Ce qui est d’autant plus facile lorsque l’enjeu de rentabilité est partagé. Bien souvent cela n’est malheureusement pas possible, quand les donneurs d’ordre et les fournisseurs ne sont pas co-intéressés à la rentabilité, en particulier dans les marchés régulés, ou quand, en interne, sphère commerciale et sphère technique sont objectivées de façon trop différente.

Le travail de créativité interne doit être porté par des équipes opiniâtres, extrêmement inventives techniquement, et pluridisciplinaires (marketing et production) avec trois savoir-faire clefs :

  • combiner ambition des cibles et acceptation d’une forte déperdition : trouver 6 000 idées en sachant que seules 2 000 seront retenues,
  • combiner forte directivité du processus et collégialité des décisions,
  • combiner temps incompressible des études et rigueur du planning de mise en œuvre.

Olivier Pescia

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