COVID 19, suivons Raoult, inversons les rôles de l’hôpital et de la médecine de ville !

Un vain débat scientifique
Le débat quant à la valeur du « protocole Raoult » est vain : il ne s’agit pas d’une molécule qui soigne à tout coup les malades du coronavirus mais d’un remède existant et bon marché qui permet de lutter contre le virus.
Le test « randomisé », réclamé à cor et à cri, confirmera vraisemblablement les résultats en demi-teinte des 3 études existantes : l’association chloroquine/azithromycine est un canif, pas un bistouri ! Mais elle agit sur le virus beaucoup plus que le paracétamol ; ce qui est déjà bien.

Deux philosophies opposées de l’action
Le vrai débat lancé par le professeur Raoult est tout autre : quelles sont les conditions d’une action collective efficace contre une infection ? Or tout est fait depuis le début à l‘inverse de ses orientations stratégiques : d’où l’âpreté des débats.
Les quatre principes d’action sanitaire qu’il propose sont très proches des organisations industrielles modernes.

1/ Une mesure significative de la performance globale
Didier Raoult suit la courbe de mortalité hebdomadaire, comparée sur une base pluriannuelle, éventuellement par tranches d’âge et par géographie. Il sait simplement dire s’il y a plus de morts que d’habitude ! Juste mais grossier, direz-vous.
Les autorités suivent les effets du COVID en nombre de contaminés, d’entrées en soins intensifs et en réanimations puis de morts. Beaucoup plus fin, certes, mais tellement biaisé par les comorbidités, les stratégies de dépistage, etc., qu’on croit assister à une mauvaise tragédie d’ombres chinoises…
Quand Goldratt substitue en 1983 la mesure du « throughput » à la mesure de la productivité, il ne fait pas un virage conceptuel moins grand.

2/ Un cadre épistémologique pertinent pour isoler et mesurer le paramètre décisif
Le « modèle Raoult » est fondé sur une mesure systématique de la charge virale. Sans doute un réflexe d’infectiologue habitué à attaquer des maladies dont il connaît mieux l’ADN que les effets.
A quoi bon, pourrait-on dire, puisqu’on ne sait pas faire baisser la charge virale ? Autant mesurer la maladie par le niveau de dégradation respiratoire. Mais justement, isoler un paramètre et chercher à agir dessus sont deux mouvements extrêmement proches. La SNCF a révolutionné le Fret ferroviaire dans les années 2010 en changeant la maille d’analyse et les critères de sa productivité. L’industrie automobile la qualité dans les années 90, en mesurant les défauts en pièces par million.
Le faible nombre de tests en France dénote non pas d’un manque de moyens mais d’un choix méthodologique fondé sur l’hypothèse que le traitement de la charge virale était illusoire à court terme. Or « cherchez et vous trouverez ! »

3/ trouver et diffuser rapidement des moyens d’action sur les paramètres critiques
Pour le COVID 19, qui reste asymptomatique dans la plupart des cas mais devient facilement mortel dans les cas graves, l’approche virale est carrément décisive. Trouver vite un remède, même imparfait, à la charge virale supprimait une grosse part de cas graves.
L’expérience de la performance industrielle est que les progrès d’efficacité opérationnelle en atelier dépendent souvent plus de l’ingéniosité collective et de la mémoire des anciens que des avancées scientifiques. L’approche de IHU consiste de la même façon à appliquer de vieux médicaments aux nouvelles maladies. Avec essai massif de cocktails in vitro puis, aussitôt que possible, tests in vivo.
Malheureux, pas si vite ! Vous faites de la recherche ou de la médecine ?

4/ Privilégier la subsidiarité
Il faut enfin donner au terrain le maximum de marges de manœuvre pour privilégier l’efficacité plutôt que la conformité, l’action plutôt que le pilotage.
Or, l’interdiction de l’hydroxichloroquine en ville n’est pas un problème de médicament ; il s’agit fondamentalement du choix de laisser le SAMU et l’hôpital s’occuper du COVID. Comme le font remarquer beaucoup de généraliste, l’azithromycine semble donner des résultats remarquables, même seule, mais nulle publicité ne lui est faite.

Sortir du déconfinement et désengorger le système de santé relève d’un choix d’organisation
Aujourd’hui les urgences et le SAMU ainsi qu’une vingtaine de services de réanimation sont engorgés. Mais les cabinets médicaux sont vides ; les cliniques et 80% des services hospitaliers sont au chômage technique ; les laboratoires d’analyse sont proches du dépôt de bilan.
Le problème n’est pas de posséder des tests et des masques ; il est de s’organiser à l’endroit. S’organiser pour que tous ceux qui peuvent tester testent et que tous ceux qui peuvent soigner isolent et soignent les porteurs du virus.
En inversant le rôle actuel de l’hôpital et de la médecine de ville et en organisant les tests et les soins de façon massivement décentralisée.
L’industrie y arriverait aisément. L’Etat y parviendra-t-il ?

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