Réduire les dépenses rapidement, un défi organisationnel mobilisateur

Comme toute crise, les effets économiques du COVID 19 obligent à réagir vite avec des marges de manœuvre réduites. Nombre d’entreprises ont une situation de trésorerie délicate, accompagnée de perspectives stratégiques préoccupantes. Elles sont dans la nécessité de réduire les coûts très vite pour aborder la tempête en situation favorable, mais sans que les coûts de restructuration ne grèvent trop leur trésorerie, ni, surtout, que cette réduction de voilure n’entame la cohésion d’équipe et la capacité de rebond.

Un exercice aujourd’hui maîtrisé ? Pas si sûr !

Ne pas remplacer les départs et organiser la mobilité pour réduire l’effectif en douceur est devenu un exercice relativement classique, dans les entreprises et même dans la fonction publique. Au point que les entreprises savent maintenant le faire dans des délais compatibles avec une crise.

L’équation stratégique est assez simple. On sait que la pyramide des âges et les taux naturels de turn-over vont libérer des postes. On sait par ailleurs que les priorités de l’organisation doivent permettre de se passer de certaines fonctions ou d’en diminuer le poids.

Évidemment la chance ne permet pas toujours que les départs se fassent dans les zones où on est prêt à réduire le dispositif. Vient alors le travail des RH pour assurer une transition satisfaisante, passant par des évolutions professionnelles, des formations légères voire des réorientations complètes.

Bref, aujourd’hui, après 20 ans de GPEC, on sait faire ! Mais justement, ça ne suffit pas.

Ces opérations censées être « sans douleur », faites un peu à la sauvette, sont souvent décevantes pour deux raisons :

  • on oublie que la réduction de coût et d’effectif n’est qu’une conséquence : il faut avant tout améliorer la productivité, exercice qui demande de travailler à la fois sur l’efficacité des opérations et sur l’organisation
  • on oublie aussi que, même avec des reclassements internes, une telle transformation peut atteindre la capacité collective de rebond et le moteur de la performance. Il faut donc travailler la motivation collective

Pour améliorer la productivité, n’oublions pas de revisiter l’organisation

On fait souvent l’erreur, quand on doit réduire rapidement l’effectif, surtout lorsqu’on veut exploiter les départs « naturels », de ne pas réexaminer l’organisation en profondeur, par peur de se lancer dans une opération compliquée.

Chez JAZZ Conseil, nous pensons qu’il s’agit au contraire d’un exercice accessible s’il réalisé avec la bonne méthode. Et nos clients peuvent témoigner qu’il permet d’inscrire plus facilement l’organisation dans une dynamique positive que dans une position subie de réduction d’effectifs.

Nous y distinguons 4 étapes majeures, séquencées et outillées à l’appui de nos expériences de transformations.

  1. Première étape (préalable) : faire une photo précise de l’organisation, fonction par fonction. Nous constatons souvent que la vision managériale n’est pas la bonne quant aux effectifs exacts, au nombre réel de niveaux hiérarchiques ou aux organisations « locales ». Pour y répondre, Jazz Conseil a développé le « synoptique organisationnel » © qui permet d’identifier et de qualifier rapidement les incohérences opérationnelles ou redondances organisationnelles à partir d’une cartographie simple et exhaustive.
  2. Deuxième étape (essentielle) : prendre les moyens opérationnels d’abaisser les coûts face à la situation stratégique, ce qui passe soit par des gains d’efficacité – amélioration de la maîtrise du cœur de la performance opérationnelle-, soit par une réduction de la capacité lorsque le marché n’offre aucune autre issue. Pour ce faire, dans les deux cas, il faut identifier le problème principal à résoudre par les opérationnels pour être performants dans le contexte stratégique identifié. Sur cette étape clé, JAZZ Conseil a également développé une approche innovante, la « Radiographie des problèmes structurants » ©. Si l’on peut améliorer la productivité, c’est que l’organisation n’est pas tout à fait centrée sur le bon problème. Identifions donc le problème avec les opérationnels : pour les uns ce sera de maîtriser la qualité transversale là où on regardait la qualité par étapes ; pour d’autres ce sera de mieux anticiper les solutions là où on concentrait des effectifs pour réagir en direct, etc… Si l’on doit, au contraire, réduire ou flexibiliser la capacité, il faut de nouveau se demander : « avec un marché réduit ponctuellement ou structurellement, quelle devient la difficulté principale et comment devrai-je être organisé pour la résoudre ?  Dans les deux cas, cet exercice sur la performance fera naître le besoin d’un dispositif nouveau, souvent de fonctions nouvelles. Créons-les sans hésiter !
  3. Alléger l’organisation de tout le reste, c’est-à-dire ce qui ne contribue pas à la résolution de ce problème stratégique. C’est là que se font les gains principaux. L’approche peut sembler plus brutale car elle vise à supprimer un existant qui s’est souvent installé dans le temps. Pourtant, elle sera d’autant plus légitime qu’elle ne créera pas de rupture : ce qui n’est pas indispensable disparaît souvent sans regret car l’impact opérationnel est faible ou nul. La conduite du changement s’en trouvera simplifiée.
  4. Quatrième étape, choisir une structure organisationnelle cible, le plus souvent simplifiée, permettant de répondre aux constats de départ – en termes d’effectifs et de niveaux hiérarchiques – et aux choix stratégiques – en termes de répartition des responsabilités et de coopérations clefs.

En conclusion, revisiter l’organisation à l’occasion d’une démarche réduction d’effectifs offre rapidement de nombreux bénéfices :

  • identifier des fonctions éludables en grand nombre pour se donner des marges de manœuvre organisationnelles,
  • créer des fonctions nouvelles, parfois hybrides, propices au repositionnement de profils variés,
  • mettre en valeur les priorités de coopération,
  • et globalement donner un sens opérationnel à une démarche toujours perçue au départ comme négative.

Pour embarquer les intéressés, sachons créer un véritable désir de changement

La réduction de voilure n’est, en principe, pas un moment très facile pour une organisation. Pourtant l’expérience montre qu’elle peut être traversée sans entamer la capacité collective à changer, vitale à une organisation comme l’eau l’est à la nature !

Il y a cependant 3 conditions à l’acceptation du changement, voire à une « willingness to change » :

  1. Anticiper en quoi les changements heurtent les valeurs et habitudes collectives et vont susciter des résistances probables. Faire l’effort d’empathie collective pour savoir ce que cela touche de particulier dans le corps social concerné. Et l’affronter fermement mais avec respect ; ne jamais l’ignorer ou le contourner. Et si possible limiter le changement au strict nécessaire, le risque étant toujours de vouloir changer trop de choses là où seuls 2 ou 3 points sont essentiels, vitaux et assimilables. Selon les cas on visera une simple résolution des résistancesou un vrai « mindset shift ». Mais on n’en fera pas l’impasse.
  2. Expliquer les bénéfices. Même justifiée, la réduction de voilure est souvent considérée comme superflue, évitable, subjective. Il faut impérativement construire un business case clair, la « Value for the effort », et y consacrer une communication qui en manifeste les bénéfices pour le plus grand nombre. Il est primordial que ce travail soit fait et communiqué par une ou des équipes d’acteurs directement concernés ; pas seulement par la direction en format « top down ».
  3. Enfin, consacrer beaucoup d’énergie à résoudre aussi vite que possible les micro-problèmes des opérationnels pour limiter autant que possible l’inévitable période de doute. C’est particulièrement vrai dans une réduction d’effectif par reclassements internes, qui va mettre l’organisation provisoirement dans le déséquilibre. Bref, viser l’« Uncertainty mitigation » .

Autant nous connaissons tous des réductions de coûts concentrées sur la réduction d’effectif qui ont donné des résultats coûteux et décevants.

Autant, notre expérience de l’amélioration de performance passant par l’organisation et l’identification du cœur des difficultés à résoudre donne des résultats impressionnants en termes d’effectifs et de coût. De surcroît, et c’est le plus étonnant, cela préserve la cohésion et la capacité de rebond de l’organisation, ce qui est de loin le plus important.

Réduire rapidement la voilure est aujourd’hui possible. Mais prenons la mesure de l’enjeu et faisons-en un vrai projet :

  • En traduisant les enjeux stratégiques par des priorités opérationnelles et organisationnelles, ce qui demandera l’exploitation « micro » de toutes les opportunités RH et l’audace « macro » d’une recomposition de la structure et des découpages de métier et de responsabilités.
  • Et en associant le management à la démarche mais en prenant plus largement les moyens d’en faire un changement naturel et positif parce que ajusté à l’état d’esprit des troupes, circonscrit, partagé, ambitieux et tenant compte des difficultés de détail.
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